Que les nations se réjouissent ! Dieu au cœur de la mission John Piper, Editions E21/BLF, 2015, 355 pages
recension par Hélène Cazaban, hlcazaban@gmail.com
Dès les premières lignes de ce livre, John Piper donne sa ligne directrice, partage sa vision de la mission et son ardent désir de voir ses contemporains, les Eglises, les sociétés missionnaires et les ministères d’aide aux personnes, placer la suprématie de Dieu en toute chose pour la joie de tous les peuples à travers Jésus Christ.
Ce livre n’est pas un guide pratique mais une approche théologique robuste et motivante pour celui qui veut répondre à l’ordre de mission de Christ et faire de toutes les nations des disciples. Un ouvrage dense - l’auteur se répète mais cela a un avantage rhétorique et pédagogique - passionnant, à l’image de son auteur passionné pour atteindre les peuples « non atteints ». Il développe et argumente avec rigueur ce qui est au cœur de la mission : la recherche primordiale de la gloire de Dieu, la suprématie de Christ, le combat spirituel mené dans la prière, la disposition à souffrir pour le Christ, la nécessité de la foi en Christ pour le salut, la nécessité que les peuples du monde entier entendent l’évangile.
Avant d’annoncer et de développer la thèse fondamentale de ce livre, Piper brosse un tableau du contexte contemporain global, donne quelques statistiques et réfute vigoureusement le message de « l’évangile de prospérité » contraire à la saine doctrine biblique.
« Le but suprême de l’Eglise n’est pas la mission mais l’adoration. Si la mission existe c’est parce que l’adoration n’existe pas » affirme-t-il avec force. C’est vers la fin du livre que se clarifie cette phrase clé. Il faut voir l’adoration, non pas simplement ni même principalement dans le cadre du culte dominical, mais comme irriguant tous les aspects de la vie. La nécessité de l’action missionnaire n’est pas dû au fait que Dieu ne sache pas manifester sa gloire mais au fait que l’homme ne sache pas la savourer. Quand notre vie toute entière, nos actes et attitudes font ressortir l’importance et la valeur de Dieu, cela signifie simplement que tout devient adoration. L’adoration est à la fois le moteur et l’objectif de la mission. La mission est une nécessité temporaire, l’adoration demeure éternellement.
La mission n’est pas une opération de recrutement mise en place par Dieu pour se constituer une main d’œuvre ; c’est une opération de libération des jougs éreintants des autres dieux. C’est le message le plus facile à annoncer : Soyez dans l’allégresse ! Réjouissez-vous en Dieu ! Chantez de joie en Dieu.
La clé de voute du message missionnaire est de raconter la gloire de Dieu parmi les nations, ses merveilles parmi tous les peuples. La raison de se lancer dans l’évangélisation est l’amour pour Dieu et non l’empathie que l’on pourrait avoir pour les « perdus ». Est-il possible d’aimer quelque chose d’aussi vague que « toutes les âmes perdues » ? La prière est au cœur de l’action missionnaire. Dieu nous a donné la prière comme véritable équipement de combat au service de la mission de l’Eglise. Elle est la puissance qui permet de manier la Parole, arme par laquelle les nations seront amenées à la foi et à l’obéissance. « Chaque nouvelle Pentecôte a eu sa période préparatoire de supplication » écrit-il. Dieu gagnera cette guerre. Du début à la fin de l’histoire, son dessein est de faire connaitre et manifester sa gloire pour la satisfaction de son peuple issu de toutes les nations. La confiance dans la souveraineté de Dieu et le triomphe de sa cause est un aspect fondamental de l’intercession du peuple de Dieu et de la mission de l’Eglise. Cette espérance a nourri la foi de tant de missionnaires de tous les temps pour toucher les peuples non atteints de la terre. Piper illustre son propos de façon très motivante par les témoignages de foi de missionnaires, tels que Jim Eliot, William Carey, Adoniram Judson, David Livingstone, John Paton… La souffrance au cœur de la mission : Jésus, le modèle suprême qui, pour sanctifier le peuple, par son propre sang a souffert hors de la porte, invite celui qu’il appelle à sortir hors du camp de la sécurité et du confort, là où se trouvent les nations non atteintes et pour lesquelles un sacrifice notable sera nécessaire.
A travers les témoignages de vie de missionnaires tels que Henry Martyn, Richard Wurmbrand, Charles Wesley, Chet Bitterman pour la Wycliff, l’apôtre Paul, tous ces hommes que Dieu appela à porter l’Evangile aux peuples non atteints, Piper donne six raisons pour lesquelles, selon lui, Dieu destinerait ses serviteurs à la souffrance. L’acceptation joyeuse de la perte et de la souffrance en échange du royaume de Dieu manifeste plus clairement au monde la valeur suprême de Dieu que toute l’adoration et la prière, dit-il.
« C’est quand nous trouvons notre plus grande satisfaction en lui que Dieu est glorifié en nous. » Voilà une affirmation qui tient au cœur de Piper, souvent répétée dans d’autres ouvrages et dont l’interprétation pose question à plusieurs. « Et cette gloire suprême est la plus éclatante quand la satisfaction que nous trouvons en lui subsiste malgré la souffrance et la douleur endurées en accomplissant la mission de l’amour» en est la suite, exprime-t-il.
Piper interroge le lecteur : « Est-il nécessaire que les hommes entendent parler du Christ pour qu’ils puissent parvenir au salut éternel ? Autrement dit, est-il aujourd’hui possible que quelqu’un soit sauvé par l’œuvre de Christ même s’il n’a jamais eu l’occasion d’en entendre parler ? Par le biais de la réponse à trois questions, Piper argumente que Christ est au cœur de toute foi qui sauve.
Une autre question est posée: Le concept de « peuples non atteints » est-il bien celui autour duquel doit s’articuler l’activité missionnaire ? La tâche de la mission est-elle qu’il y ait le maximum de personnes rachetées ou bien le maximum de peuples atteints ? Il y répond dans un long développement largement explicité, étayé sur de nombreuses références bibliques tant dans l’AT que le NT, mettant en contexte les concepts de nations, peuples, tribus, familles, ethnies, clans, langues. Il le couronne par la vision de la tâche missionnaire, telle que Jean la présente dans ses écrits et en particulier dans l’Apocalypse. « Tu es digne…… tu as rachetés pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation. Tu as fait d’eux des rois et des prêtres pour notre Dieu et ils régneront sur la terre. » Ap.9-10 Cela ne diminue en rien la double motivation de la mission, la miséricorde pour les hommes et la gloire de Dieu, un seul et même objectif. Le livre se termine par la vision du monde, de Jonathan Edwards, totalement imprégnée de Dieu, dont la pensée a très largement influencé celle de Piper.
Un ouvrage de théologie biblique de la mission très apprécié, que vous n’êtes pas obligé de lire de bout en bout de façon linéaire. Un livre magistral qui a grandement contribué à réveiller l’Eglise et à faire avancer la mission.
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